Radio Cyclo Ebrius

>>>>> Radio Cyclo Ebrius <<<<<

Cuvées en cave

Dégustation à l'aveugle

Le vin trouble ne casse pas les dents


Sans doute du fait que je ne bu que de l'eau ce vendredi soir là, le Distillateur de la rue Kruger se vit dans l'obligation de charger mon départ de deux boutanches de nectar. Touché par cette attention, les bras m'en tombèrent : à vélo sans sac ni musette, j'ai du enfiler, goulots renversés, ces deux flacons au fond des manches de mon veston. Voyage rassurant que de pédaler équipé, frais dehors, chaud dedans. Mais gare au nid-de-poule et au dos d'âne ! Le vin pourrait bien se mélanger au sang, et mon palpitant être vidangé de ses derniers élans. Maîtrisant ma machine malgré le pavé incertain sur lequel je me déroulais, j'entendais glouglouter mes goulots ébranlés. Cette douce musique me fit sourire, j'aimais l'idée que ce soir au moins, ce doux liquide fut encore bouchonné et non pas déjà ballonnant. Patatrac. Métallique, aussi sourd mais pardessus tout poussiéreux, l'accident. Nonobstant la noirceur, je cherche le point d'impact. À dix mètres, je lie connaissance avec un fatras de pédalier et d'étudiant, le tout collé à un arbre et made in china. "Ça va ?" Il a du morfler. "Uuuuhhmm..." Geignement animal. Je m'approche. "Et oh ! Ça va ?" Presque un silence, puis le type se relève comme un revenant de loin. Mais tel un gamin qui a fait une connerie, il se jette en voleur sur son clou et me lâche tout penaud un "Pardon... bu... beaucoup... bières" entrecoupé de hochements de tête de gratitude... Il quitte la scène, tire le rideau et me laisse seul, pensif, cherchant à calculer les coordonnées de ces trajectoires croisées : lui plein mais à sec et moi chargé mais à jeun. Cette équation à deux inconnues c'est soldée par une formule d'emprunt : "La vue de l'ivrogne est la meilleure leçon de sobriété." Je reprenais alors ma route, bien heureux que ce soir là, ces bouteilles me restent sur les bras plutôt qu'au fond de l'estomac.
Cyclusvisviva