Radio Cyclo Ebrius

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Cuvées en cave

Dégustation à l'aveugle

Par là où la charrette entre, de la cave elle peut sortir


      Attablé un midi presque comme les autres avec mes grands parents,  je leur ai posé pour la troisième fois une question relative à mon ignorance et à leur grand âge : qu'est ce qui vous a marqué, concernant le XX° siècle, au niveau technique ou technologique ? Il y a quelques années, c'était l'électricité, puis plus récemment, c'était l'avion. Aujourd'hui, ils ont évoqué le transport rapide et le manque de temps. Ce paradoxe a éveillé mon esprit endormi par le vin d'épine. Eux-mêmes, agriculteurs à la retraite depuis plusieurs années, le vivent. Ils allaient à l'école, chez des amis, ou faire quelques courses à vélo dans le coin, au pays. Cinq épiceries, un chausseur, un tailleur, tous ont foutu le camp dans la bourgade d'à côté, un peu plus grande, pour ensuite encore filer vers la grande cité, ou simplement disparaitre.
Aujourd'hui, ils roulent plus vite et plus loin. Mais, en s'amusant à un calcul de collégien, on a pu se rendre compte qu'ils sont maintenant plus éloignés qu'avant de services essentiels. Soit, la clinique de la ville est peut être plus compétente aujourd'hui que le médecin de campagne hier, mais pour ce qui est de la pâte à rillettes, il faut sortir le char. Ils passent plus de temps aujourd'hui dans leur voiture qu'hier à vélo. Un raccourci très simpliste, parce que noyé dans un Cléré 1984, voudrait que je dise que l'argent avec lequel nous alimentons notre réservoir aujourd'hui servait sans doute à entretenir les services de proximité il fut un temps. Une sorte de délocalisation de l'encouragement, de l'investissement.
      Pendant cette époque révolue, qu'ils ne regrettent pas, un "pays" pouvait exister là, juste à côté. Le village d'en face parlait d'un autre chant et d'autres choses. Les tabous d'hier, le sexe et l'argent selon eux, se font télévisés et débridés aujourd'hui. Une fois passer à l'eau de vie de poire, le sujet que l'on vivait pleinement à ce moment de la discussion, c'était l'alcool. Comment les gens se comportaient, comment buvaient-ils ? A quels moments ? Embrumé par le langage paysan qui ne dit pas vraiment les choses, les anecdotes de chevaux attelés qui rentraient seuls leur maitre aveugles à la maison me faisait fantasmer. J'abordais donc de saborder la légende. Bon, vous étiez vraiment bourrés des fois, ou la poésie attendrit la langue de vos souvenirs ? Oui, pour parler crument, ils y en a bien qui se sont réveillés dans les fossés, puis d'autres, en pleine crise : "Si je lâche le bec à gaz, je peux pas rentrer, si je le lâche pas, je peux pas rentrer." Puis certains, apparemment, ont du en venir aux coups de pied pour raisonner leur bicyclette qui avait décidément pris la décision d'emprunter un chemin différent des pupilles.
Vive la campagne.

Cyclusvisviva